"Seuil"
Installation vidéo
1993
Armée du Salut, Cité de Refuge à Paris XIIIe, avec Art Seine Tri. D
3 téléviseurs noir et blanc grand format
1 petit téléviseur
2 magnétoscopes VHS
1 grande photographie de la Cité de Refuge intitulée "pose de la première pierre"
Vitres
Bâtis métalliques
Pierres
Œuvre réalisée pour l'anniversaire de la construction de la Cité de Refuge pour l'Armée du Salut en 1933 et dont l'architecte est Le Corbusier.
Œuvre exposée à la galerie Duchamp à Yvetot en 1998 dans le cadre de la rétrospective "Guy Chaplain, social?" et à la galerie "L'ancienne Poste-Le Chanel" à Calais en 1998 dans le cadre de la rétrospective "Nous, vous, ils".
Après 6 mois de présence ponctuelle, de dialogues, d'échanges avec des résidents du plus grand établissement de l'Armée du Salut à Paris, j'ai pu réaliser une série de 25 entretiens filmés en vidéo. Ce travail a été présenté dans le cadre d'une exposition organisée par l'association ART SEINE TRI.D pour fêter l'anniversaire de la construction de l'édifice par Le Corbusier en 1933.
De cet événement, prétexte à convier "le monde extérieur" à pénétrer dans l'institution, en tant que sculpteur invité, je ne souhaitais nullement faire acte strictement formel. Vis à vis de toutes ces femmes et de ces hommes considérés comme : différents, étrangers, indigents, ex SDF en phase de réinsertion, je me refusais à leur imposer une œuvre sans les avoir rencontrés, côtoyés, sans tenter de m'en approcher. Ainsi SEUIL est l'addition de témoignages enregistrés durant une phase capitale vécue par toutes ces personnes; passage critique entre dérive et espoir. Il y avait nécessité absolue pour moi d'établir un réel contact souvent difficile, de les connaître (n'aître avec) au mieux, sincèrement avec un respect mutuel, avec un minimum de règles acceptées aux prises de vues des entretiens et à la présentation au public. Mon travail a consisté essentiellement à filmer de face, en plan fixe, le visage de tous ceux qui ont acceptés d'être visibles à l'écran, ensuite un plan sur les mains et un autre sur un signe que chacun choisissait de tracer à son gré dans une surface de sable préparée sur un écran de télévision horizontal."Comment aimeriez-vous que l'on vous nomme?"; "Quel est le lieu où vous aimeriez être?"; "Qu'évoque pour vous le mot refuge . Le mot espoir ?..."
Telles étaient quelques-unes des questions posées à chacun, "rituellement" ordonnées, la personne étant seule avec moi. Les réponses étaient parfois très brèves, à peine audibles, fugaces, certains ne voulant pas être nommés, ne voulant pas être vus. Écran vide. Souvent, au contraire, leurs paroles se développaient, se construisaient et profitaient enfin de la possibilité d'expression, de diffusion même modeste, que mon action pouvait peut-être permettre. Travail lié à l'urgence de contact, d'une nécessaire et incessante obligation de casser nos gangues nombrilistes, isolant dans ses certitudes, dans ses suffisances souvent si peu fondées, dérisoires. Devant ce genre de propos, de position, de type d'action, les réactions sont bien connues : "On ne fait pas d'art avec de bons sentiments ! "Et bien soit ! S'il le faut, j'admettrais sans combat que cette œuvre n'est "pas d'art" et que je ne suis pas artiste. Est-ce d'ailleurs si important ? Ces rencontres ont été pour moi des plus essentielles et m'ont engagé à poursuivre d'authentiques échanges : "Vivre(s)...voir-écouter-toucher" dans un lycée agricole, et "Prince(s)" et dans un atelier de jour pour handicapés adultes. Mettre en œuvre des approches sensibles envers l'autre pour que lui aussi se révèle et modifier un peu le contexte par ma présence, ma caméra, mes questions. Être le passeur entre des univers, des êtres et des choses trop fréquemment isolé-e-s; le témoin qui rend compte et qui affirme sa part de subjectivité en construisant une forme, jouant les possibles avec l'Autre filmé et écouté. Inclure le spectateur/acteur délibérément dans la mise en espace. SEUIL confrontait le visiteur étranger à un face à face; l'un dans les écrans, l'autre - le témoin - derrière une barre comme au tribunal. Témoin ? Acteur actif ?...passif...?
Dans "Facteur Culture" : texte critique de Pierre Leguyon
Préface du catalogue de l'exposition
Dans "L'Age contemporain"
de Paul Ardenne (extrait)
En fond: pose de la première pierre en 1933